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Auteur de l’inoubliable “Ayemma sver ur tsru”
.......15,50 DA de droits d’auteur pour… Farid Ali
De son vivant, il a été pourchassé par les décideurs du parti unique. Après
sa mort, il est oublié de tous. Il n’y a que son fils, Arezki, qui tente de
défendre sa mémoire et de courir pour se faire payer ses droits d’auteur.
Farid Ali, qui ne connaît pas ce nom ? Le nom est certes célèbre mais son
œuvre demeure encore à dépoussiérer. Une seule chanson, "Ayema Sver Ur
tsru" a été sauvé de l’oubli grâce à Lounès Matoub, qui l’a repris dans
son album de 1992.
Farid Ali dénonçait le colonialisme, Lounès Matoub y vilipendait les
défenseurs de l’idéologie arabo-islamique. "Matoub a eu l’honnêteté de
préciser sur la jacquette que l’auteur de la composition musicale était
Farid Ali", indique le fils de l’artiste, rencontré dans son appartement
dans une cité populaire à Réghaia. Ce qui révolte notre interlocuteur est
l’absence de considération à l’égard de son père au moment où pratiquement
tous les grands chanteurs, y compris Matoub, ont été réhabilités. Est-ce un
simple oubli ou s’agit il d’un acte délibéré ? Le fils n’en sait rien. Il
sait seulement que déjà du vivant du père, celui-ci avait été arrêté en 1963
parce qu’il avait pris part à la révolte du FFS (Front des forces
socialistes).
Farid Ali, natif de Bounouh, près de Boghni, en Grande Kabylie, reste détenu
à Berrouaguia jusqu’à 1965. Boumediene arrive. Il le gracie. Lui avec
d’autres détenus politiques. Avant 1962, il a pris part à la guerre. Ce
n’est que le 05 juillet 1987 qu’une distinction lui est décernée par Chadli
Bendjedid. Le fils se rend à Alger et tente de le récupérer. On lui exige
l’attestation communale pour prouver que son père avait effectivement été
maquisard. Le fils s’étonne car auparavant, le père n’était pas encore
reconnu. Les choses finissent par rentrer dans l’ordre. "Le dossier d’ancien
moudjahid était resté dans les tiroirs", souligne Arezki, en exhibant un
gros paquet de documents et de photos sous le regard pantois de sa petite
fille. Farid Ali a fait partie de L’OS (Organisation secrète) et bien plus
tard de la troupe artistique du FLN (Front de libération nationale). Quand
il est libéré par Boumediene, las, il s’exile en France. A Paris, il
travaille avec l’Académie berbère de Bessaoud Mohand Arab. "Lors des
événements du Printemps berbère, il m’avait dit que c’était le plus beau
jour de sa vie", se souvient Arezki. Il rentre au pays, puis repart quand il
tombe malade à la fin des années soixante-dix. De l’ONDA, il ne percevait
rien de ses droits sur ses chansons que diffusait régulièrement la radio
Chaîne II. Il est seul et sans ressources face à la maladie qui l’emporte à
l’âge de 61 ans en 1981. Il est inhumé à Bounouh, là où il était né six
décennies plus tôt.
A aucun moment, ses chansons n’ont été éditées dans une cassette. Ni l’Etat
(préoccupé à l’époque à arroser à coup de centaines de millions les
chanteurs orientaux pour arabiser les Algériens) ni par un quelconque
éditeur digne de ce nom, qui aurait eu l’idée d’immortaliser ses œuvres
artistiques, en dehors de toutes autres considérations mercantilistes.
L’Association des artistes de Kabylie, créée lors de l’année de l’Algérie en
France, n’a pas, non plus, pensé à Farid Ali (ni à aucun autre artiste
d’ailleurs) alors que lors de l’assemblée constitutive, l’une de ses
missions principales était de se pencher sérieusement sur le cas des
artistes oubliés. Ses chansons ont été piratées et éditées sans même avoir
été déclarées à l’ONDA par une certaine maison d’édition Imesdourar. "J’ai
découvert par hasard sa cassette chez un disquaire. Je n’ai rien compris !",
s’étonne le fils. Farid Ali a été tellement oublié que son fils a reçu en
1996 (15,50 da) quinze dinars et cinquante centimes de droits d’auteurs sur
la diffusion de ses chansons par la Radio.
Aomar Mohellebi
Farid Ali