CCIX LHESNAWI / ou Cheikh Amar El Hasnaoui
(Khelouat Mohamed, dit), chanteur-compositeur et poète (Taεzibt, Arch i Hasnawen, Tizi-Wesu, 23 juillet 1910 – île de la Réunion 6 juillet 2002).
Son enfance est marquée par la disparition tragique de ses deux frères, puis de sa mère, Lla Saεdiyya, en 1916, tandis que son père est mobilisé dès 1914 dans les rangs de l’armée française durant la première Guerre Mondiale. Seul et orphelin, le futur Ccix Lhesnawi se rend à Alger pour trouver refuge dans l’ex-belle famille de sa mère (elle avait été mariée à un pêcheur d’origine turque). Rentré du front, son père le récupère et le fait rentrer à la zawiya de Bouassem. Le jeune garçon y restera deux ou trois ans et en gardera de mauvais souvenirs. Entretemps, son père se remarie et a trois enfants (Ali, Arezki et Fatma) avant de mourir quelques années plus tard. Le jeune Mohamed se rend alors de nouveau à Alger. Il y découvre le style musicale chaâbi des Kabyles Algérois Cheikh El-Hadj Mhemmed El-Anka et El-Hadj Mrizek. Particulièrement doué pour le chant et musicien déjà confirmé, il commence sa carrière en 1931 en se produisant dans les fêtes familiales. Vers 1936-1938, devant l’impossibilité de continuer sa carrière dans son pays (rares étaient les chanteurs kabyles produits par le commerce), il décide d’émigrer en France, comme tant d’autres alors. Mais il laisse la femme qu’il aime (sans doute la Faḍma de sa célèbre chanson) tout en lui promettant de la faire venir aussitôt qu’il serait lui-même bien installée. Le destin veut que les parents de la jeune femme lui refusent sa main.
A Paris, il découvre les rythmes afro-cubains et métisse sa musique à l’instar, dans les années 1940, de son ami Mohammed Iguerbouchene ou encore d’El-Hadj Mhemmed El-Anka. Toutefois, il ne s’alignera pas sur la nouvelle voie des artistes orientalisants (Juifs d’Afrique du nord et Egyptiens) contrairement à d’autres artistes kabyles.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, le chanteur effectue le Service de Travail Obligatoire (STO) dans une usine d’Allemagne tout en chantant pour les prisonniers le dimanche. De retour à Paris, il est invité à Radio Paris Mondial, contrôlée par les Allemands où M. Iguerbouchene et M. El-Kamal auraient animé une émission arabe et kabyle régulière. La guerre une fois finie, le chanteur constate avec amertume que la misère est toujours de mise dans son pays, poussant la jeunesse à émigrer en masse vers la France. Dans sa magnifique chanson Maison Blanche, il dénonce ce drame de l’émigration qui arrache des hommes à leurs familles et dépeuplent les villages kabyles. L’émigration n’est toutefois pas son thème de prédilection, l’amour impossible, la nécessaire modernisation face au poids de la tradition (Bu tabani) ou encore l’émancipation de la femme (Ma tebɣiḍ-iyi nekk bɣiɣ, baba-m yeqqar ala ala) sont autant de thèmes chantés par l’artiste.
A la fin des années 1940, il est l’un des représentants de la chanson kabyle de Paris avec les figures illustres et amies que sont Slimane Azem, Farid Ali, Zerrouki Allaoua et bien d’autres. A cette époque, il fait la tournée des cafés avec une petite troupe tout en étant cuisinier. Pendant un temps, il se fait accompagner à la derbouka par la chanteuse Faḍma-Zohra. Cette dernière connaissait bien le milieu artistique parisien (Pigalle, Barbès, Clichy), ce qui l’aidera beaucoup. Avec l’indépendance de l’Algérie, il continue à se produire dans les milieux de l’émigration aux côtés des nouvelles vedettes d’alors, telles Akli Yahiatene. Pourtant, en 1970, il décide d’arrêter brusquement sa carrière, peut-être à cause de son l’âge (il a soixante-ans), ou encore face au refus de se produire dans des bars où les ouvriers viennent s’adonner de plus en plus à la boisson. L’artiste quitte Paris pour Nice, pour s’installer définitivement à l’île de la Réunion avec son épouse Denise en 1988. Musicalement, Lhesnawi avait une voix en rien comparable aux autres artistes kabyles de l’époque. Joueur de mandole maîtrisant à la perfection le style chaâbi, innovant dans sa manière de chanter, artiste habité par la poésie et la musique, Lhesnawi restera pour sûr l’un des grands maîtres de la chanson kabyle du XXe siècle, mais dont l’hommage et la reconnaissance officielle attendent toujours d’être rendu.
Rédigé par Aru.
Mis en ligne par Menouar le 1er septembre 2006.
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Document vidéo : Rencontre entre Ccix Lhesanwi et Abdelli.
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